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Accident et rapatriement.

Turquie / Divers

Lundi 19 Septembre 2011

Les secousses dans l'ambulance sont pénibles : je doute de la qualité et de l'efficacité des amortisseurs. A l'hôpital, le brancardier qui pousse mon lit me semble courir et je vois le plafond défiler à toute vitesse. J'ai comme l'impression que le plafond se trouve au sol et que je flotte au-dessus ; c'est bizarre ces lampes qui pointent vers le haut !

Je me retrouve dans la salle du scanner. Le personnel médical me demande de m'allonger sur le plan horizontal du scanner, ce que je vais devoir faire tout seul sans aucune aide. Je m'aide de mes bras pour ramper comme je peux, avec des douleurs intenses. Je suis sur le dos qui n'est qu'une plaie. Alors que le plan sur lequel je suis commence à bouger, une voix me dit en anglais de ne pas respirer. Je fais plusieurs allers et retours à travers le scanner. Je dois me remettre sur le lit et je suis conduit dans une salle de radio, après une attente dans le couloir où je vois défiler des éclopés soutenus par des membres de leur famille et d'où j'entends les hurlements d'un enfant dans la salle à côté. A la radio, même scénario et toujours les mêmes douleurs lorsque je me glisse avec peine sur la table. Radios sur le dos. Puis j'entends : "Tournez-vous sur le côté !" Plus facile à dire qu'à faire dans ma situation. Je m'exécute (le mot n'est pas trop fort) avec lenteur et douleur. Je suis ensuite transporté dans une salle d'orthopédie, puis dans une autre salle où un médecin me dit :"Je vais appuyer, dites-moi si ça fait mal !" Quand il me palpe le ventre, pas de problème, mais dès qu'il touche les côtes cassées, je hurle, à défaut de pouvoir lui chanter la Marseillaise en breton ! Je vois ensuite arriver un policier qui me fait souffler dans le ballon...

A la fin des examens, je suis transporté dans un cabinet médical, toujours avec mes vêtements cyclistes, mes plaies n'ont été ni nettoyées, ni désinfectées. Le médecin me dit en anglais : "Vous avez une vertèbre fracturée et six côtes cassées. Vous devrez porter un corset pendant deux mois et ne pas faire de vélo pendant deux mois." Je lui dis alors que je dois rentrer en France et faire rapatrier mon vélo. Il me rétorque froidement : "C'est votre problème. Au revoir, monsieur !" Et deux policiers m'empoignent par les épaules et me traînent dans les couloirs jusqu'à la sortie de l'hôpital. Là, ils me font descendre des escaliers. Je ne me sens pas bien, je suis sur le point de vomir. Cela ne semble pas les émouvoir : ils me mettent à l'arrière d'une voiture de police. Direction : le commissariat. A l'arrivée, deux policiers m'extraient de la voiture et me prennent sous les bras pour me faire monter une rangée d'escaliers. Je suis assis sur une chaise et sur le point de m'évanouir. Je leur demande s'ils ont un lit pour que je puisse m'allonger. Sur leur réponse négative, je m'allonge sur trois chaises, seul et dans la douleur.

Au bout d'un moment , je me redresse. Un policier rédige le compte rendu d'accident manuellement. Le conducteur de la camionnette qui m'a percuté est assis en face de moi. Son visage ne laisse paraître ni regrets, ni remords. Il a l'air embêté d'être là et souhaiterait être ailleurs, ce qui ne l'empêche pas de plaisanter avec les policiers. Un autre policier me dit que je n'avais pas le droit d'être sur cette route. Je lui rétorque que ce n'était pas une autoroute, que j'étais sur la D-100 et pas l'autoroute E-5 et j'entreprends tant bien que mal de dessiner un plan des lieux au moment de l'accident. Le policier veut me faire signer le rapport d'accident rédigé en turc. J'y jette un coup d'oeil, m'aperçois que j'étais censé être sur la E-5 et lui réponds : "Je ne sais pas lire le turc, je ne signe pas et je veux parler au Consul de France."

Aussitôt, tout le monde quitte la pièce. Je me retrouve seul, avec l'envie d'aller aux WC. M'aidant de mes mains, je réussis à me mettre debout et déambule dans les couloirs jusqu'à ce que je rencontre un policier. Il m'indique le chemin des toilettes et je passe devant deux cellules avec des banquettes rembourrées de mousse épaisse sur trois côtés : ça doit être plus confortable que des chaises pour s'allonger ! Je téléphone ensuite à Inter Mutuelles Assistance et ce que me répond mon correspondant en France signifie pour moi la fin du cauchemar : ils vont me faire transférer (en ambulance !) dans un hôpital américain, un médecin français viendra me chercher et me rapatriera jusqu'à Toulon par avion sanitaire. Le rêve !!!

Peu avant 18 h, le Consulat de France me téléphone, me dit que les policiers turcs leur ont traduit le rapport d'accident et que je peux signer. "Ils vous donneront un double et votre assurance vous remboursera." Je fais confiance aux autorités représentant mon pays à l'Etranger et je signe. Les policiers m'offrent un verre de thé.

A 18 h 16, premiers sourires de la journée en la personne de deux charmantes ambulancières turques (une blonde et une brune). Elles m'attachent sur une planche et je descends les escaliers en position horizontale, les pieds devant. L'ambulance n'est pas très confortable, mais, pendant le trajet, elles vont prendre ma tension, mon pouls, ma température et mon taux d'oxygène dans le sang !

Curieusement, dans cet hôpital américain, le médecin (une femme) parle anglais avec un fort accent turc et toutes les infirmières parlent turc. J'ai un doute sur le lieu où je suis. Doute levé le lendemain : je suis dans un hôpital turc, Inter Mutuelles Assistance ayant préféré entre temps me faire transporter dans un hôpital plus proche. Je subis à nouveau les mêmes examens que le matin, mais les médecins et infirmiers se montrent plus humains : on a glissé sous moi une sorte de matelas en mousse et deux infirmiers vont me faire passer de mon lit au scanner et à la radio en tirant sur ce matelas avec moi dessus. Plus aucun effort douloureux de ma part. Et, de plus, mes plaies au dos, aux fesses et aux bras sont nettoyées, désinfectées et recouvertes de pansements ! Vers 20 h, j'ai la joie de voir arriver Amlyet, une jeune femme blonde turque : c'est la correspondante, à Istamboul, d'Inter Mutuelles Assistance et elle parle très bien français. Elle m'explique ce qui va se passer et me fait apporter un repas, le premier depuis le petit déjeuner. Comme je suis allongé sur une planche et ne peux et ne dois pas me redresser, une infirmière me fait manger à la petite cuillère. Je ne dirai jamais assez la gentillesse et la disponibilité de ces infirmières turques pendant les quatre jours durant lesquels je suis resté dans cet hôpital, ACIBADEM pour ne pas le nommer.

Le lendemain, 8 juillet, Amlyet revient me voir et me dit qu'un prothésiste va venir prendre mes mesures. C'est chose faite dans la journée. Le 9 juillet, il arrive avec un corset qu'il règle et me pose. Je ne pourrai l'ôter que lorsque je serai alité. Dès que je me leverai, même pour aller aux toilettes, je devrai le porter, et ce, pendant trois mois. Avant de partir, il me dit : "Money !" et me demande en turc qui va payer. Comme il ne comprend pas quand je lui dis en anglais que c'est mon assurance qui prendra la facture en charge, je lui donne le numéro de téléphone d'Amlyet. Après avoir raccroché, il me dit avec un grand sourire : "Problem yok ! (pas de problème)".

Les nuits sont pénibles à cause de la vertèbre fracturée et, lorsque je bouge, à cause des côtes cassées. Je sonne l'infirmière qui arrive, quelle que soit l'heure, dans la minute qui suit. Je lui dis en anglais que j'ai mal au dos et, comme elle ne comprend pas, je lui montre mes reins en poussant un grand cri, à quoi elle répond : "Analjezik !" J'ai alors droit au goutte à goutte... ce qui ne me soulage pas vraiment ! Toutes les deux heures, jour et nuit, une infirmière vient prendre ma tension, ma température, mon pouls et mon taux d'oxygène dans le sang.

Le 10 juillet au soir, je sers la main d'un médecin d'Inter Mutuelles Assistance, qui vient de France : "Je suis venu vous chercher et demain je vous ramène en France par avion." Il va voir le médecin turc et mes radios et scanners avant de repartir à son hôtel. Le lendemain, en fin de matinée, je quitte l'hôpital ACIBADEM en compagnie du médecin français et d'une infirmière et d'un ambulancier turcs. Direction : le tarmac de l'aéroport d'Istamboul. L'ambulance s'arrête près de la queue de l'avion d'Air France. Allongé et "ligoté" sur une planche, je me retrouve dans la nacelle d'un camion, qui va monter jusqu'à la hauteur de la porte arrière. Je suis alors "enfourné" dans l'avion et ma planche est fixée sur le dossier de trois sièges : c'est là que je vais passer les quatre heures du voyage à 20 cm du plafond. Après le repas, le médecin me bourre de médicaments qui vont grandement faire diminuer mes douleurs.

Nous atterrissons à Roissy Charles-de-Gaulle où nous attend l'ambulance qui nous amènera au Bourget. De là, embarquement dans un jet privé, les deux pilotes, le médecin et moi, pour l'aéroport d'Hyères. Là aussi, une ambulance nous attend pour nous amener à Toulon. Nous arrivons chez des amis, Mariha et Sylvain, chez qui je passerai la nuit avant de repartir le lendemain, 12 juillet, pour une clinique d'Ollioules où je repasserai les mêmes examens qu'en Turquie. Le 13 juillet, je suis envoyé à l'Institut Médicalisé de Mar Vivo, à La Seyne sur Mer, d'où je sortirai le 17 août, date de l'arrivée en France de mon vélo (plutôt de ce qu'il en reste) et de mes bagages.

La prochaine fois (car vous en avez assez lu pour aujourd'hui), je tirerai les conclusions, très positives, de ce voyage prématurément interrompu.
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