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Il est sans doute le chef d’Eta africain qui dispose d’une garde robe de boubous aussi impressionnants les uns que les autres. En Bazin ou en Kampala, en dentelle ou en popeline, il les décline sur tous les tons, sur toutes les coutures et sur tous les motifs. A juxtaposer ces vêtements les uns à côté des autres, on pourrait relier les deux extrémités du pays, depuis le fleuve Niger jusqu’à la pointe nord d’Agadez.
C’est sans doute fort de cette certitude que Mamadou Tandja a voulu rouler dans ses boubous le peuple nigérien. Il aurait pu utiliser le sable – qui constitue, à concurrence avec le soleil, la première richesse du pays – pour enfariner les siens, mais cette stratégie est si vieille comme le désert que personne ne se laisserait enturbanner. D’ailleurs, dans quelle contrée du Sahara, a-t-on jamais vu un bédouin se faire rouler dans les dunes ? Comme tous les peuples fiers et jaloux de leur constitution, les Nigériens ont fait savoir à leur premier citoyen que ses boubous, pour amples et torsadés qu’ils soient, ne serviront jamais de cimetière à leurs principes démocratiques.
Et pourtant, le fringant Tandja a commencé son œuvre dans la plus pure tradition des falsificateurs de constitutions : marches commanditées des populations, propagandes grossières sur les médias, distributions d’argent et de biens aux chefferies locales, bref, une machinerie aussi ridicule qu’inefficace qui a fini par exaspérer même ses partisans. « Non », avait-il clamé comme un tricheur surpris en flagrant délit, « je n’ai pas l’intention de modifier la constitution de mon pays ». En bon politicien de mauvaise foi, il propose alors une nouvelle loi fondamentale, parce que la première serait scandaleusement obsolète. Là-dessus, l’Assemblée nationale lui fait gentiment savoir qu’il se fourre les cinq doigts dans le nez. Colère violente du prince : il envoie en enfer les députés rouspéteurs en dissolvant le parlement. Libre alors à lui d’imposer le référendum pour que soit adoptée sa constitution. Et c’est là que les garants de cette constitution justement, les sept sages, lui signifient de mettre en sourdine ses intrigues d’apprenti sorcier. Plus nette sera la réaction de la structure chargée d’organiser les élections : la CENI lui a tout simplement demandé d’évacuer de son vocabulaire le mot référendum, puisqu’en ses lieux et places, elle organisera les élections législatives.
En fait, le Général a reçu les contrecoups des intrigues qu’il a orchestrées. Il a sous-estimé la résistance de son peuple, minimisé la capacité d’opposition de sa classe politique, exclus l’hypothèse d’une remise en cause de sa logique aventurière. C’est ici qu’il faut rendre hommage au travail des syndicats, à la ténacité des organisations de la société civile et à la fermeté de tous les autres corps sociaux. C’est ici aussi qu’il faut saluer le pacifisme des différents acteurs de cette crise qui ont utilisé les arguments de droit, puisés aussi bien dans les textes juridiques que dans la jurisprudence. Loin d’eux cette période où les différends politiques se réglaient à coups de sabres et de mitraillettes. Barré Manaïssara, le jeune putschiste de 1996, autoproclamé président après des élections fumeuses, n’avait pas montré tant de mauvaise foi pour être liquidé. Les Nigériens, décidément, sont désormais bien accrochés à leurs aspirations démocratiques.
Que nous réserve la suite ? Que Mamadou Tandja renoncerait à enrouler ses compatriotes dans ses boubous ? Qu’il continuerait à se mettre à dos la communauté internationale ? Qu’il s’entêterait à faire fi du bon sens militaire qui impose à un officier supérieur, quand il est au front, de préserver l’honneur et la dignité ? A moins qu’il ne décide à se pendre : pour cela, il a plus d’un boubou dans sa garde-robe pour faire une corde au cou.
Quand je regarde Télé-Sahel, je suis frappé par les quintaux d’idioties que débitent à longueur de temps les courtisans indécrottables du sieur Tandja. Ils continuent d’abreuver le peuple de leurs discours abêtissants, présentant leur champion comme un homme indispensable, si indispensable que, se passer de lui, risquerait de plonger le pays dans l’abîme.
On croirait entendre les partisans de Staline. Au temps fort du règne du petit moustachu de Kremlin, on ne parlait de lui que comme un demi-dieu. Après sa mort, beaucoup se sont rendu compte que, des comme lui, dieux irremplaçables et indispensables, vivent tranquillement leur éternité au cimetière. Mamadou Tandja a encore le temps de se rattraper. Sans perdre en rien la magnificence de ses boubous.
Florent COUAO-ZOTTI
Source:
http://www.lanouvelletribune.info/20090 ... -t-il.html
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