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Actualités du Niger
Écrit par Ibrahim YACOUBA SG/SNAD (Le Temoin N° 280 du 16 janvier 2009)
Le gouvernement du Niger vient de rendre public, à l’issue du Conseil des Ministres du 5 janvier, les principales dispositions ou en tout cas celles qu’il a (bien) voulu nous faire connaitre sur le contrat de grande exploitation minière d’Imouraren. Ce projet qui a suscité tant de spéculations et même plein de fantaisies est assurément un événement important tant par le contexte dans lequel il intervient que par les investissements qu’il va induire et les bénéfices que les différents acteurs pourraient en tirer. On retient que le projet de grande exploitation d’Imouraren va enfin se concrétiser dans les prochaines années et cela met fin à des périodes de tensions, pressions, mélodrames et autres conciliabules (officiels et occultes) aussi bien à Niamey qu’à Paris. Si ce contrat est nouveau par son importance et parce qu’il intervient dans un contexte particulier, il faut noter que c’est un énième épisode qui intervient dans des rapports qui existent depuis aujourd’hui plus de quarante ans entre le Niger et la France et reposent de manière très actuelle, entre autres les questions essentielles ciaprès : Cette convention avec Areva est-elle vraiment bénéfique pour notre pays ? Pourquoi un pays pauvre comme le Niger n’a jamais su ou pu profiter d’une telle rente pour se développer ? Dans quelles conditions on peut envisager l’avenir et enfin, tout compte fait, à qui profite réellement cet uranium ? Avant de tenter des réponses à toutes ces questions, plantons d’abord le décor.
En 36 ans d’exploitation de notre uranium, Areva a réalisé un bénéfice de plus de 2.500 milliards de FCFA, pendant que le Niger n’en a reçu que le dixième de cette manne. En fait, pour tenter un jeu de mots simples, on peut dire que les mines sont au Niger et la manne… en France. Est-il encore, a partir de ce moment, utile de se poser la question de savoir a qui appartient vraiment ce minerai ? Je crois que non, mais parce que ces chiffres à eux seuls ne peuvent pas traduire le niveau de l’arnaque, il est nécessaire de présenter l’état des lieux, les acteurs, les gagnants et les perdants de l’exploitation d’un minerai qui devient chaque jour plus convoité.
1. L’uranium au Niger, état des lieux Majoritairement concentrées au Niger et en Namibie, les réserves d’uranium d’Afrique subsaharienne se retrouvent aujourd’hui au centre du phénomène de « renaissance nucléaire » et d’une spirale des prix qui a vu croître le coût de la livre d’oxyde d’uranium de près de 1000% durant ces sept dernières années. En 2006, déjà, la demande mondiale de l’uranium était de 80 000 tonnes pour une production de 46 000 tonnes. Du coup, le prix du « yellow cake » va s’envoler en passant de 15 dollars en fin 2002 à 160 dollars au début de 2007, soit une progression plus forte que celle du baril de pétrole. C’est cela d’ailleurs qui va motiver la revendication de notre pays à exiger la révision à la hausse du prix de l’uranium cédé à Areva (nous aborderons cette partie plus loin).
Pour la France qui produit plus de 80% de son électricité grâce à l’atome (l’uranium de notre pays illumine une ampoule sur trois en France), le Niger est incontournable. Le Niger, l’un des pays les plus pauvres de la planète, est à l’heure actuelle le 4e producteur mondial, oscillant autour de 3.000 tonnes d’uranium extraites par an. En 2006, le Niger avait extrait près de 3.500 tonnes d’uranium selon le ministère des Mines. D’autres sources disent que notre pays est le troisième producteur mondial d’uranium avec (à peu prés) 9% de parts de marché. Et les exportations d’uranium représentent plus de 70% des exportations totales du Niger, Le Niger est dans tous les cas, établi de façon certaine, comme le troisième fournisseur de l’Union Européenne (après la Russie et le Canada) pour l’uranium. Selon François Cellier et Cyril Robinet, l’exploitation de l’uranium est ancienne et fut rapidement effective :
selon les données de l’AIEA et de l’OCDE (Red Book 2003) les mines nigériennes sont entrées en exploitation cinq et six ans après la découverte des ressources, contre onze à quarante quatre ans pour les autres principales mines du monde. Elles sont également parmi les plus productives depuis leurs prémisses au tournant des années 1960 : 100.000 tonnes cumulées ; les premières découvertes d’uranium dans le bassin du Tim Mersoi, à 1.000km au nord-est de Niamey, coïncidant avec les premières années de l’indépendance nationale : découverte des gisements de Azelik et Abakorum (1959), Madaouela (1963), Arlette, Ariège, Artois, Taza, Tamou et Takriza (1965), Imouraren (1966), Akouta (1967), Ebala ( 1972). Selon un récent rapport du FMI (de juillet 2007), les investissements attendus dans le domaine minier devraient entraîner une hausse du PIB nigérien de l’ordre de 5% entre 2008 et 2010 :
une vraie manne financière et une possibilité de croissance économique pour notre pays. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, la demande mondiale globale en énergie augmentera d’au moins 50 pour cent au cours des 25 prochaines années et devra être satisfaite principalement par des combustibles non-fossiles, et particulièrement par l’énergie nucléaire. Si ces prévisions se confirment, il s’ensuit que le prix de l’uranium restera toujours assez attrayant et au moins assez élevé pour permettre des retombées pour notre pays. Jusqu’en fin de l’année 2007, la folie de l’uranium battait son plein : à cette époque, la livre d’oxyde d’uranium (U3O8) a dépassé les 135 $ US. La courbe est assez impressionnante : depuis cinq ans, le cours de l’uranium n’a pratiquement jamais reculé d’un mois sur l’autre.
Ainsi donc, d’ici 2010, le Niger espère avoir doublé sa production minière avec la mise en service des mines d’Imouraren (propriété d’Areva) pour une production de 3 à 4000 tonnes par an à partir de la première année et de Tegguidda (propriété de la société chinoise SinoU) avec une production escomptée de 700 tonnes. A l’horizon 2030, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) prévoit une augmentation d’au moins 20% de la puissance nucléaire installée dans le monde (83% selon la « projection haute »). D’après la World Nuclear Association (WNA), en plus des trente-quatre réacteurs électronucléaires en construction, quatre-vingt-treize autres sont prévus, principalement en Chine, en Inde, au Japon et en Russie. Les besoins accrus en combustible nucléaire, ainsi que la perspective de l’épuisement de ses ressources dites « secondaires » (notamment l’uranium militaire reconverti), relancent l’exploration et l’extraction minière de l’uranium naturel.
Il y aura donc encore, sur des dizaines d’années, un incontestable attrait pour l’uranium où qu’il se trouve et surtout dans notre pays où la richesse en ce minerai est l’une des plus avérées et la multiplication des sociétés intéressées va certainement modifier la donne d’ici quelques années. Mais Aujourd’hui qui exploite cet uranium ? 2. Qui exploite l’uranium nigérien ? Jusqu’ici, deux sociétés se partagent l’exploitation de l’uranium de notre pays. Il s’agit de la Somaïr (Société des mines de l’Aïr) et de la COMINAK (Compagnie minière d’Akouta). Avant d’évoquer précisément leur rôle et comment elles fonctionnent, il serait intéressant de faire un peu d’histoire. 2.1 Le pacte colonial : Tout remonte au 24 avril 1961, un an après les (pseudos) indépendances de nombreux pays francophones d’Afrique subsaharienne. A Paris, quatre hommes signent un accord de défense.
Il s’agit de Michel Debré (qui représente la République française), de Félix Houphouët-Boigny (président de la Côte-d’Ivoire), de Hubert Maga (président du Bénin, alors appelé Dahomey) et de Hamani Diori (président de la République du Niger). En annexe de cet accord, des dispositions reprises par quelques articles d’une importance capitale. « Afin de garantir leurs intérêts mutuels en matière de Défense, les parties contractantes décident de coopérer dans le domaine des matériaux de Défense dans les conditions définies ci-après :
Article 1 : Les matières premières et produits classés stratégiques comprennent : - Première catégorie : les hydrocarbures liquides ou gazeux ; - Deuxième catégorie : l’uranium, le thorium, le lithium, le béryllium, leurs minerais et composés. Cette liste pourra être modifiée d’un commun accord, compte tenu des circonstances.
Article 2 : La République française informe régulièrement la République de Côte-d’Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger de la politique qu’elle est appelée à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques, compte tenu des besoins généraux de la Défense, de l’évolution des ressources et la situation du marché mondial.
Article 3 : La République de Côted’Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger informent la République française de la politique qu’elles sont appelées à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques et des mesures qu’elles se proposent de prendre pour l’exécution de cette politique.
Article 4 : La République française est tenue informée des programmes et projets concernant l’exportation hors du territoire de la République de Côte-d’Ivoire, de la République du Dahomey et de la République du Niger des matières premières et des produits stratégiques de deuxième catégorie énumérés à l’article premier.
En ce qui concerne ces mêmes matières et produits, la République de Côte-d’Ivoire, la République du Dahomey et de la République du Niger, pour les besoins de la Défense, réservent par priorité leur vente à la République française après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et s’approvisionnent par priorité auprès d’elle. » Selon ce texte, avant de décider de quoi que ce soit dès qu’il s’agit d’exploitation du pétrole, du gaz, de l’uranium et d’autres matières premières stratégiques, ces trois pays africains doivent informer l’ancien colonisateur, à qui ils réservent par priorité les ressources de leur soussol. Pierre Prêche (dans un numéro de Afrikara d’aout 2007) indique d’ailleurs qu’au Niger, Areva détient les cartes géologiques du pays que la société ne veut pas communiquer à l’Etat, pour limiter les capacités d’exploitation par la concurrence, plus de 85 entreprises de Chine, d’Australie, d’Allemagne, du Japon, du Canada…
Cet accord d’exclusivité presque absolue est une caractéristique des rapports coloniaux qui ont pu exister entre la France et certaines de ces colonies, comme le Niger. Mais est-il vraiment indiqué de parler au passé s’agissant de ces rapports ? La question mérite effectivement d’être posée quand on fait le bilan de ce qu’a rapporté l’exploitation de l’uranium durant ces trente six années au Niger et à Areva. L’exploitation de l’uranium dans notre pays porte également en elle-même les germes d’une grande partie des turbulences politiques qu’a connues notre pays. Des l’indépendance à nos jours, la question de ce minerai a été une question éminemment politique, un angle stratégique dans les rapports Niger-France d’une part et dans le comportement des différents régimes politiques ayant gouverné notre pays d’une part.
Faut-il rappeler le rôle qu’a joué l’uranium dans la chute du Président Diori Hamani. A la base, une famine dans le pays qui attise les mécontentements, et une « crise de l’uranium ». Face aux besoins financiers importants induits par la mise en oeuvre de ces programmes de développement, Hamani Diori demande une contrepartie plus élevée à la France... qui se braque. « En 1969, la France propose d’enlever l’uranium uniquement à prix fixe, au titre d’une aide au développement. Une compensation d’un milliard de F CFA (20 millions de FF attribuée au Niger. Le président Hamani Diori se rendant compte tardivement de la duperie, demande une association entre les deux (2) pays. Le CEA et la COGEMA sont en désaccord. La Société des mines de l’Aïr (SOMAIR) est constituée. Le CEA dit avoir sous-estimé les investissements et demande une participation de 5 000 actions au Niger qui refuse. Le Niger se rapproche de la France pour trouver un équivalent en pétrole pour fixer un prix plus juste :
une (1) tonne d’uranium correspondrait à dix (10) mille tonnes de pétrole. Une demande de valorisation de l’indemnisation est refusée. La France fomente un coup d’Etat en 1974 qui renverse le président », raconte Serge Guero dans le Bulletin du réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB). Un récit qui rejoint et confirme presque celui fait par l’Américain Samuel Decalo dans un ouvrage de stratégie publié en mars 1978 et intitulé Coups and Army Rule in Africa : Studies in Military Style. Le gouvernement militaire de kountché qui a voulu poursuivre les négociations sur les bases laissées par l’ancien président en sera fortement dissuadé. Celui qui menait les discussions, numéro deux du régime, s’est vite trouvé accusé de tentative de coup d’état, jugé puis exécuté.
En effet , sur ce point les positions « progressistes »de Sani Souna Siddo vont fortement gêner le Chef de l’Etat qui ne ratera pas la première occasion pour se débarrasser d’un dangereux « compagnon d’armes » et d’un négociateur devenu encombrant pour la France. Ainsi donc c’est le statu quo qui prévaudra pendant tout le long règne des militaires. Lorsque le processus démocratique est enclenché au début des années 1990, le Niger ne renégocie pas ses accords avec société du nucléaire française. Il n’y eut aucune modification substantielle des rapports jusqu’en août 2007 quand le gouvernement nigérien imposa à AREVA la renégociation des prix du minerai. Passons rapidement en revue les termes de l’accord conclu :
- Areva s’engage à payer le kilo d’uranium (minerai brut ou yellow cake ? pas de précisions pour l’instant) au prix de 40 000 francs CFA (soit 60.98 euros), l’ancien prix étant de 27 300 francs CFA. Remarquons que cette hausse de prix sensible est encore en-dessous des prix internationaux couramment pratiqués (de l’ordre de 122 000 francs CFA) ;
- Ce prix de 40 000 francs CFA sera renégocié à compter du 1er janvier 2008;
- L’Etat du Niger pourra vendre directement sur le marché international 300 tonnes de yellow cake pour son propre compte : 100 tonnes en 2007 et 200 tonnes en 2008;
- Enfin, la société Areva sera désormais traitée comme les autres sociétés minières qui opèrent ou vont prochainement opérer sur le sol nigérien.
(A suivre)
Source:
http://www.tamtaminfo.com/index.php?opt ... &Itemid=53
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