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ESPACE CEDEAO: Connivences anti démocratiques

Écrit par AMADOU BOUNTY DIALLO (L’ACTUALITE DU 28 SEPTEMBRE 2009)

L'espace CEDEAO est malade de ses dirigeants politiques. Alors qu'avec la chute du mur de Berlin et le Discours de François Mitterrand à La BAULE, tous les pays de l'espace ont vu les régimes autoritaires tomber un à un, laissant place à des démocraties qui, sans être totalement parfaites, garantissaient, au moins, pour la plupart, les libertés fondamentales. Presque vingt ans après, voila le même espace confronté à des régimes anachroniques, des pouvoirs qu'on pensait révolus, c'est-à-dire des dictatures. " La dictature est un régime politique autoritaire établi et maintenu par la violence, à caractère exceptionnel et illégitime. Elle surgit dans des crises sociales très graves, ou elle sert à précipiter l'évolution en cours (dictatures révolutionnaires), soit l'empêcher ou à la freiner (dictatures conservatrices). Il s'agit en général d'un régime très personnel ; mais l'armée ou le parti unique peuvent servir de base à des dictatures institutionnelles " ou encore : " une dictature se définit comme un régime arbitraire et coercitif, incompatible avec la liberté politique, le gouvernement constitutionnel et le principe de l'égalité devant la loi ". Quelque soit la définition que l'on applique dans l'espace CEDEAO, on constate un recul des régimes en place par rapport à la démocratie. Ce qui est terrible, c'est la reculade même opérée ou en voie de l'être par ceux-là mêmes qui sont arrivés au pouvoir, non pas par la force des armes, mais par celle des urnes. Mais, dans ce "koinè", tous les dictateurs refusent qu'on les compare aux autres.

Le cas le plus atypique est celui du capitaine Moussa Dadis Camara de Guinée. Arrivé au pouvoir cinq jours après la mort de Lansana Conté, le président Dadis, chef de l'Etat, président du CNDD, commandant en chef des forces armées, se présente lui-même comme un " dictateur progressiste ". Il ne rate aucune occasion pour l'affirmer : "Mes camarades et moi, nous nous sommes sacrifiés pour sauver la Guinée de la guerre civile. Nous avons sacrifié nos vies pour lutter contre le grand banditisme, le trafic de drogue ; Bref, nous avons arraché la Guinée des mains de pervers. Nous sommes donc des patriotes. Notre prise effective du pouvoir s'est effectuée sans effusion de sang". Et le capitaine qui, le 27 Décembre, disait être venu pour un laps de temps, d'inscrire depuis peu, son action dans la durée "pour achever ce qui est entrepris", c'est-à-dire ses " chantiers ".

Ce son de cloche et bien d'autres, les Nigériens l'ont entendu avant les Guinéens. Ce qui nous rappelle ces mots de l'ecclésiaste : "ce qui a été, c'est ce qui sera et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, il n'y a rien de nouveau sous le soleil". Mais attention ! Dadis n'aime pas être comparé au président désormais auto prolongé du Niger. Pour le Guinéen, les deux situations sont diamétralement opposées. Lui reconnait avoir pris le pouvoir "sans effusion de sang" et s'engage à ne jamais trahir le peuple de Guinée : "je jure de ne pas trahir ma nation… Je n'ai pas peur de la mort. Si je meurs parce que je suis sincère, honnête, je meurs dans l'honneur. Si par contre je meurs dans la corruption, quelle honte pour moi et pour mes enfants !".

L'autre, par contre, encourage les siens dans la même corruption au travers de permis de recherches miniers. C'est pourquoi Dadis traite son homologue de qualificatifs que nous n'osons pas reproduire ici. Pour le putschiste de Guinée, Tandja n'a aucun droit de faire ce qu'il a fait pour la simple raison qu'il est arrivé au pouvoir par les urnes et doit donc, de ce fait, respecter la volonté du peuple. Le modèle par excellence de Dadis, en tout cas jusqu'à une certaine date, c'est Amadou Toumani Touré, le président malien. Estce pourquoi la CEDEAO est plus complaisante avec le Guinéen qui est en passe de "faire comme les autres" ? En début de semaine passée, rappelez-vous, la présidente du Libéria et son homologue du Sénégal était en Guinée pour "donner l'imprimatur de maître Wade à la candidature du président du CNDD".

Les propos de Wade sont sans ambigüité. Il convaincra ses pairs de "laisser tranquille son fils".D'ailleurs Wade vient d'annoncer sa candidature aux présidentielles de 2012, ce qui est symptomatique de l'état d'esprit qui anime tous les autocrates de l'espace CEDEAO. Ceci pose le problème de la sincérité des chefs d'Etat de cet espace quand ils prennent des résolutions. Au vu de ce qui se passe autour d'eux et dans l'espace de la CEDEAO, ils ont juré de ne plus accepter de putschistes dans leurs rangs. Ils n'ont pas réussi à arrêter le holdup-up de Tandja. Ils sont sur la voie d'accepter le fait accompli en Guinée. Ils ont certes réussi à faire organiser des élections en Guinée Bissau, mais à quel prix ? Celui-ci est des plus dramatiques. Il a fallu la mort du président Nino Viera et de son chef d'Etat-major pour que la CEDEAO et "la communauté internationale" se rendent compte de la gravité de la situation dans ce pays et s'y déploient.

D'ailleurs, tous les apprentis dictateurs se fondent sur cette passivité pour accomplir leurs forfaits. Ils savent que, dans une large mesure, ils vont bénéficier de la mansuétude de "la communauté internationale". La semaine passée encore, ses envoyés en Guinée (wade et Ellen) n'ont pas parlé le même langage. Et, on devine pourquoi. De retour au pays, le Sénégalais âgé de 82 ans se voit supplier d'accepter "de remplier pour un troisième mandat, au nom de l'unité du parti". En fait l'espace CEDEAO offre aux yeux du monde un spectacle affligeant. Les dirigeants, réunis en un club, s'entendent comme larrons en foire pour dépouiller les peuples de l'essentiel : la liberté. C'est la raison pour laquelle il ne faut rien attendre de ces chefs d'Etat autre qu'une "connivence consensuelle" pour liquider la démocratie. Les peuples doivent le savoir et s'organiser en conséquence. Il s'agit de cesser de se faire conduire comme du bétail à l'abattoir.

La révolte doit être inscrite en règle d'or dans les coeurs et les constitutions de nos pays pour que nul, en dehors du suffrage universel, n'accède au pouvoir. Dadis, par exemple, dit qu'il est venu au pouvoir pour lutter contre le tribalisme et l'ethnocentrisme. Chacun doit être convaincu que ni l'appartenance tribale, ni la force ne doivent prévaloir. Ce qui doit prévaloir, c'est l'homme dans toutes ses dimensions. Ce que les dictateurs veulent, c'est que les peuples se soumettent comme le faisaient les gladiateurs romains vis-à-vis de leur maitre: "nous lui prêtâmes serment de supporter le feu, les chaînes, les coups, la mort par le feu… Comme des gladiateurs régulièrement engagés, nous consacrons de la façon la plus totale à notre maître, et notre corps et notre vie". Les habitants de l'espace CEDEAO ne sont pas des gladiateurs et chacun doit le savoir une fois pour toutes.

Ils ne salueront jamais les tyrans comme le faisaient les mêmes gladiateurs avant le combat en défilant devant César : "salut César, ceux qui vont mourir te saluent !" Bien au contraire nos peuples combattront les tyrans jusqu'à ce que mort s'en suive.

Source:
http://www.tamtaminfo.com/index.php?opt ... &Itemid=61