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Arts, Culture et Société du Niger
Un chef-d’œuvre
Inscrit désormais parmi les trésors du patrimoine immatériel mondial, l’imzad continue de susciter l’intérêt, autant en Algérie qu’à l’étranger, où les initiatives pour sa sauvegarde et sa promotion se sont multipliées sous diverses formes et ampleurs.
Le livre de Dida Badi en est une qui se distingue par sa qualité et la richesse de son contenu. Le jury du SILA vient de lui décerner le Prix du livre de patrimoine de langue française, ex-aequo avec Honaïne de Abderrahmane Khalifa, paru aux éditions Dalimen. Humblement sous-titré Une musique millénaire touarègue, l’ouvrage aurait pu s’intituler « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’imzad sans trouver où le demander ». En effet, ce livre apporte un éclairage à la fois large et profond sur ce patrimoine musical, accessible autant à des chercheurs qu’à un large public de curieux, de jeunes lecteurs et de passionnés des trésors du passé. Sa richesse tient d’abord à son auteur qui joint à son parcours scientifique appréciable l’avantage inestimable d’être né et d’avoir grandi dans l’Ahaggar. On sent à la lecture des textes ce mélange heureux de connaissance intime et même affective du sujet et de travail de recherche sur des bases rigoureuses. Dida Badi est né en effet en 1964 dans la vallée de Tamanrasset, près de Tin-Missao. La première partie de sa vie s’est passée dans un campement touareg où il a fait l’apprentissage de la rude vie nomade de même que celui d’un patrimoine culturel ancestral vivant. De 1970 à 1976, il a effectué ses études primaires à l’internat nomade de Tamanrasset avant de rejoindre, dans la même ville, le lycée Cheîkh Amoud.
Son baccalauréat obtenu, il se retrouve à l’institut d’archéologie de l’université d’Alger, où il obtient une licence en 1990 ; sa licence en préhistoire. Il poursuit par un magistère en anthropologie sociale à l’université de Tizi-Ouzou et, présentement, il se prépare à la soutenance d’un doctorat d’Etat en anthropologie des populations sahariennes. Il travaille au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d’Alger (CNRPAH). Auteur de nombreuses études et contributions sur la culture touarègue et saharienne, il est connu notamment par son premier ouvrage public, Les régions de l’Ahaggar et du Tassili n’Adjer paru aux éditions ANEP en 2004. Sur l’imzad, il s’est déjà signalé par un film documentaire et il a été le coordinateur du premier Festival international de la musique de l’imzad, organisé en 2002 par l’Association des Amis du Tassili. C’est dire qu’il maîtrise son sujet et c’est la première qualité de son livre qui, pour être « beau » est avant tout profond et enrichissant. Cette priorité au sens apparaît déjà dans la maquette. On peut se demander en effet pourquoi certaines belles photos n’ont pas été étendues en pleines pages. Mais, on comprend à la lecture que le premier souci a été de faire coïncider les différentes étapes du texte avec les illustrations et de privilégier l’efficacité didactique de l’ouvrage. La réussite est parfaite sur ce plan et, pour autant, la présentation graphique n’en est pas moins agréable, la qualité des impressions et du papier soutenant un effet probant de clarté et d’aisance visuelle. C’est assurément un livre agréable à feuilleter avec le sentiment de découverte à chaque page, les légendes photos étant à la fois précises et attirantes.
L’auteur a pris soin, en bon pédagogue, de situer d’abord son sujet et de permettre aux lecteurs de mieux comprendre son contexte naturel, historique et sociologique. C’est l’objet du premier chapitre consacré au « contexte et aire de diffusion de la musique de l’imzad ». On y apprend une foule de choses sur les populations de ces régions, depuis les grandes évolutions historiques jusqu’aux structures des tentes qui renseignent autant sur les modes de vie que les relations sociales et la maîtrise des techniques artisanales ou autres. Les coutumes sont présentées de manière synthétique, accompagnées des explications ou hypothèses les concernant. Une fois planté son décor et emmené son lecteur dans ses différents recoins, Dida Badi lui propose alors de découvrir « l’imzad dans la mythologie touarègue ». Là, les choses deviennent passionnantes. L’imzad, qui désigne à la fois l’instrument et le genre musical, est en effet un autre univers dans le grand univers saharien. Composition et fabrication des instruments, significations de son utilisation, cadres traditionnels et circonstances, répartition des rôles selon les sexes, les âges ou les lieux, légendes rattachées, l’imzad comme « registre de l’esthétique » et « interprète des sentiments », l’essentiel est passé en revue aux limites de l’extraordinaire. Ainsi, ce passage sur le « jeu de l’imzad » et la position de l’instrumentiste qui est résumée par l’adage : « Imzad ne as amedray ennit, iwar afud iyyen essumigh as wa hedhen » (l’imzad, c’est moi qui suis son frère, il repose sur un genou et moi sur l’autre). Le troisième chapitre, qui occupe environ la moitié de l’ouvrage, porte sur le répertoire de l’imzad et comporte une anthologie de textes donnés en version originale et traduits en français, accompagnés pour certains de partitions musicales. Les registres poétiques, ils font large place à l’amour et aux sentiments que les épreuves de la vie génèrent. Ainsi ce 12e poème : « Aujourd’hui, mon cœur est tel un incendie, tu peux y mettre une bouilloire à bouillir, tu peux y fondre des bracelets en argent. »
Le livre Imzad a été publié à l’initiative de l’Association des Amis du Tassili avec les éditions ENAG. Cette collaboration entre une association et une entreprise étatique avec la prestation de sous-traitants privés est un bel exemple de partenariat. Il s’agit là d’un chef-d’œuvre de la littérature actuelle de patrimoine à acheter pour soi et offrir. Il lui manque peut-être un CD d’accompagnement et, on espère, sa traduction en tamazight, en arabe, voire en anglais et d’autres langues, car c’est une carte de visite belle, intelligente et sensible de l’Algérie.
Imzad, une musique millénaire de l’Algérie. Dida Badi. Association Les Amis du Tassili. Editions ENAG. Alger, 2008. 176 p
http://www.elwatan.com/Un-chef-d-oeuvre
Bravo Dida !
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