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LE PÔLE MEURTRIER - Journal de route du capitaine Scott (1911-1912) |
I. — L'EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (fin) 5/12
Antarctique
Le poêle menaçant d'épuiser rapidement notre provision de bois, nous l'avons modifié, de manière à ce que quelques copeaux suffisent pour l'allumer et à ce qu'il puisse être chauffé uniquement avec la graisse de phoque. Nous en réglons ensuite le tirage, puis augmentons la largeur de la grille destinée à la cuisson des aliments. Cela fait, au-dessus de notre logement, une vieille tente provenant de la Discovery est tendue afin d'empêcher la chaleur de se perdre. De fait, nous possédons une bonne installation; il ne nous manque qu'un peu d'expérience pour tirer de nos ressources le meilleur parti.
Vendredi, 10 mars. — Monté hier au Castle Rock avec Wilson afin de découvrir si l'on peut gagner par terre le cap Evans. Un simple coup d’œil jeté sur le panorama montre que, pour atteindre par cette voie les quartiers d'hiver, il faudrait traverser le versant le plus accidenté de l'Erebus, un véritable labyrinthe de ravins. Peut-être cependant pourrait-on passer, en se tenant à une hauteur de 1 000 à 1 200 mètres. Le temps est magnifique ; on a chaud en marchant au soleil.
Lundi, 13 mars. — Samedi soir le temps s'est gâté et hier nous avons eu un léger blizzard. Le vent a viré au Sud en augmentant; ce matin, la mer houleuse bat avec force la banquette de glace côtière; l'embrun jaillit presque jusqu'à l'endroit où sont attachés les chiens. Notre poêle à graisse fonctionne mal; samedi soir, la cabane a été remplie de fumée. Noirs comme des ramoneurs et les vêtements couverts d'une suie grasse, nous avions l'air d'une bande de brigands. Le blizzard nous obligeant à ajourner nos projets, toutes nos préoccupations sont concentrées sur le chauffage, la cuisine et les installations intérieures.
Mercredi, 16 mars. — Lundi et mardi, j'ai escaladé Crater Hill. Je redoute que la banquise à Pram Point ne parte à la dérive ; hier encore elle tenait bien, quoique les crevasses qui la déchirent se fussent élargies. Si cette glace disparaissait, les phoques s'en iraient avec elle et de ce fait notre situation deviendrait mauvaise.
Vendredi, 17 mars. — Malgré nos occupations fort diverses, je m'impatiente. Après tout, n'en serait-il pas de même aux quartiers d'hiver? Demeurer inactif et ressasser continuellement la catastrophe qui prive l'expédition d'une partie de ses moyens de transport exerce une action déplorable sur l’esprit. Combien les circonstances dans lesquelles nous entreprendrons la marche vers le Pôle seront différentes de celles que j'avais espérées!
Vendredi, 10 mars. — Monté hier au Castle Rock avec Wilson afin de découvrir si l'on peut gagner par terre le cap Evans. Un simple coup d’œil jeté sur le panorama montre que, pour atteindre par cette voie les quartiers d'hiver, il faudrait traverser le versant le plus accidenté de l'Erebus, un véritable labyrinthe de ravins. Peut-être cependant pourrait-on passer, en se tenant à une hauteur de 1 000 à 1 200 mètres. Le temps est magnifique ; on a chaud en marchant au soleil.
Lundi, 13 mars. — Samedi soir le temps s'est gâté et hier nous avons eu un léger blizzard. Le vent a viré au Sud en augmentant; ce matin, la mer houleuse bat avec force la banquette de glace côtière; l'embrun jaillit presque jusqu'à l'endroit où sont attachés les chiens. Notre poêle à graisse fonctionne mal; samedi soir, la cabane a été remplie de fumée. Noirs comme des ramoneurs et les vêtements couverts d'une suie grasse, nous avions l'air d'une bande de brigands. Le blizzard nous obligeant à ajourner nos projets, toutes nos préoccupations sont concentrées sur le chauffage, la cuisine et les installations intérieures.
Mercredi, 16 mars. — Lundi et mardi, j'ai escaladé Crater Hill. Je redoute que la banquise à Pram Point ne parte à la dérive ; hier encore elle tenait bien, quoique les crevasses qui la déchirent se fussent élargies. Si cette glace disparaissait, les phoques s'en iraient avec elle et de ce fait notre situation deviendrait mauvaise.
Vendredi, 17 mars. — Malgré nos occupations fort diverses, je m'impatiente. Après tout, n'en serait-il pas de même aux quartiers d'hiver? Demeurer inactif et ressasser continuellement la catastrophe qui prive l'expédition d'une partie de ses moyens de transport exerce une action déplorable sur l’esprit. Combien les circonstances dans lesquelles nous entreprendrons la marche vers le Pôle seront différentes de celles que j'avais espérées!
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p29
I. — L'EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (fin) 6/12
Antarctique
Hélas! le Pôle est encore bien loin de nous! Je perde peu à peu toute confiance dans les chiens : ils n'acquerront jamais la rapidité de marche que nous voulons atteindre.
Samedi, 18 mars. - Encore du vent et de la neige. Tant que la mer ne sera pas recouverte d'une bonne banquise, nous ne serons point tranquilles.
Sous la poussée du vent du Nord qui a soufflé vendredi, la glace s'est amoncelée contre la pointe de la Hutte en un gros monticule. Ce matin, nous y avons vu un phoque. La présence d'un de ces animaux dans le voisinage immédiat de notre gîte est un symptôme excellent.
Lundi, 20 mars. - Dimanche matin, le vent a viré au Sud-Est et, toute la journée d'hier, a soufflé avec violence. La température est descendue à —23° et — 24°. Aussi sommes-nous demeurés dans la hutte ou dans ses environs immédiats.
Ce mauvais temps persistant soumet les chiens à de très pénibles épreuves. Nous nous sommes préoccupés de leur procurer une bonne installation, mais, le vent changeant constamment, il est impossible de les abriter de tous les côtés à la fois. Cinq ou six chiens vagabondent en toute liberté; nous n'osons cependant pas lâcher les plus vigoureux de la bande. Tous souffrent beaucoup du froid. Un petit chien blanc, tombé dans la crevasse à notre retour, est mort hier : dans sa chute il avait éprouvé des lésions internes, et la gangrène s'était déclarée dans une de ses plaies. Trois autres sont fort mal en point.
La jeune glace entassée près de la pointe de la Hutte n'a pas bougé et forme maintenant une petite plate-forme en saillie à la pointe. Nous y tuons deux phoques: nous voici donc avec une bonne provision de viande pour les chiens, et de graisse pour le poêle. Pendant que nous écorchons notre gibier, plusieurs autres de ces amphibies arrivent. A l'avenir, nous pourrons donc nous approvisionner ici.
Mardi, 21 mars. - Hier soir à 8 heures, le vent a viré au Sud et a progressivement augmenté. La mer brise sur l'icefoot; l'embrun passant par-dessus la pointe, retombe en pluie sur le toit de la hutte. Depuis notre arrivée ici, c'est notre troisième tempête de Sud. Dans ces trois circonstances, un navire n'aurait pu trouver un abri dans la baie. Or jamais, soit en 1902, soit en 1903, la Discovery n'avait essuyé pareil coup de vent. La neige qui recouvre l'icefoot est recouverte d'un dépôt saumâtre.
L'icefoot même sur la côte Sud-Ouest de la baie s'est effondré et la roche sous-jacente apparaît. Les traîneaux, les huttes ayant servi aux observations magnétiques(1), bref tout le matériel qui se trouve sur la pointe est recouvert d'un épais dépôt salin. Le glaçon sur lequel s'ébattaient des phoques a disparu. Donc, plus de provision de viande d'ici quelque temps!
Jeudi, 23 mars. - La glace ancienne et une bonne partie de la « jeune glace » demeurent fixes dans la baie de Pram Point. Phoques nombreux comme d'habitude. A midi, température : — 6°,6. L'après-midi, vent d'Est très frais ; le thermomètre baisse rapidement à —18° dans la soirée.
Vendredi, 24 mars. — Hier, promenade au pied des collines de l'Arrivée. Vent très frais; le soir, il mollit; toute la nuit suivante, calme avec température relativement élevée (-7°).Ce matin, chute de neige à larges flocons. La mer parait sur le point de geler. Maintenant que le calme est revenu, une mince couche de glace se forme, mais la température actuelle relativement élevée, n'en permet guère la croissance rapide; de plus, les mouvements de la marée ouvrent de nombreux canaux.
Samedi, 25 mars. - Pendant ces deux jours, temps chaud, avec ciel couvert,
ohutes de neige et brises légères. Hier soir, à la suite d'un vent de Sud, une éclaircie s'est produite et, ce matin, la mer est complètement libre dans nos environs! Quelle déception que cette disparition de la glace!
Notes
(1) Lors des hivernages de la Discovery de 1901-1904. (Note du traducteur.)
Samedi, 18 mars. - Encore du vent et de la neige. Tant que la mer ne sera pas recouverte d'une bonne banquise, nous ne serons point tranquilles.
Sous la poussée du vent du Nord qui a soufflé vendredi, la glace s'est amoncelée contre la pointe de la Hutte en un gros monticule. Ce matin, nous y avons vu un phoque. La présence d'un de ces animaux dans le voisinage immédiat de notre gîte est un symptôme excellent.
Lundi, 20 mars. - Dimanche matin, le vent a viré au Sud-Est et, toute la journée d'hier, a soufflé avec violence. La température est descendue à —23° et — 24°. Aussi sommes-nous demeurés dans la hutte ou dans ses environs immédiats.
Ce mauvais temps persistant soumet les chiens à de très pénibles épreuves. Nous nous sommes préoccupés de leur procurer une bonne installation, mais, le vent changeant constamment, il est impossible de les abriter de tous les côtés à la fois. Cinq ou six chiens vagabondent en toute liberté; nous n'osons cependant pas lâcher les plus vigoureux de la bande. Tous souffrent beaucoup du froid. Un petit chien blanc, tombé dans la crevasse à notre retour, est mort hier : dans sa chute il avait éprouvé des lésions internes, et la gangrène s'était déclarée dans une de ses plaies. Trois autres sont fort mal en point.
La jeune glace entassée près de la pointe de la Hutte n'a pas bougé et forme maintenant une petite plate-forme en saillie à la pointe. Nous y tuons deux phoques: nous voici donc avec une bonne provision de viande pour les chiens, et de graisse pour le poêle. Pendant que nous écorchons notre gibier, plusieurs autres de ces amphibies arrivent. A l'avenir, nous pourrons donc nous approvisionner ici.
Mardi, 21 mars. - Hier soir à 8 heures, le vent a viré au Sud et a progressivement augmenté. La mer brise sur l'icefoot; l'embrun passant par-dessus la pointe, retombe en pluie sur le toit de la hutte. Depuis notre arrivée ici, c'est notre troisième tempête de Sud. Dans ces trois circonstances, un navire n'aurait pu trouver un abri dans la baie. Or jamais, soit en 1902, soit en 1903, la Discovery n'avait essuyé pareil coup de vent. La neige qui recouvre l'icefoot est recouverte d'un dépôt saumâtre.
L'icefoot même sur la côte Sud-Ouest de la baie s'est effondré et la roche sous-jacente apparaît. Les traîneaux, les huttes ayant servi aux observations magnétiques(1), bref tout le matériel qui se trouve sur la pointe est recouvert d'un épais dépôt salin. Le glaçon sur lequel s'ébattaient des phoques a disparu. Donc, plus de provision de viande d'ici quelque temps!
Jeudi, 23 mars. - La glace ancienne et une bonne partie de la « jeune glace » demeurent fixes dans la baie de Pram Point. Phoques nombreux comme d'habitude. A midi, température : — 6°,6. L'après-midi, vent d'Est très frais ; le thermomètre baisse rapidement à —18° dans la soirée.
Vendredi, 24 mars. — Hier, promenade au pied des collines de l'Arrivée. Vent très frais; le soir, il mollit; toute la nuit suivante, calme avec température relativement élevée (-7°).Ce matin, chute de neige à larges flocons. La mer parait sur le point de geler. Maintenant que le calme est revenu, une mince couche de glace se forme, mais la température actuelle relativement élevée, n'en permet guère la croissance rapide; de plus, les mouvements de la marée ouvrent de nombreux canaux.
Samedi, 25 mars. - Pendant ces deux jours, temps chaud, avec ciel couvert,
ohutes de neige et brises légères. Hier soir, à la suite d'un vent de Sud, une éclaircie s'est produite et, ce matin, la mer est complètement libre dans nos environs! Quelle déception que cette disparition de la glace!
Notes
(1) Lors des hivernages de la Discovery de 1901-1904. (Note du traducteur.)
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p30
Sélection photos
La maison et une vue du camp, une semaine après l'arrivée...
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:09
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p16
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p16
Meares et Demetri près du fourneau à graisse dans la...
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:28
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p30
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p30
Le dôme de la station de recherche internationale du...
Ajoutée le 20/09/2016 à 08:09
© La Rédaction
© La Rédaction
Vaïda, un de nos chiens
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:32
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p35
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p35
Les pingouins à la promenade
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:09
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p17
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Ajoutée le 03/06/2016 à 08:00 © Huffington Post