Destination Terre > Antarctique

LE PÔLE MEURTRIER - Journal de route du capitaine Scott (1911-1912)

I. — L'EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (fin) 3/12

Antarctique

La banquise: vue prise dans le détroit de Mac Murdo

Le récit de Crean terminé, je renvoie Gran, Wilson et Meares à la pointe de la Hutte et de suite me dirige, accompagné de ce sous-officier et d'Oates, vers le lieu du désastre. Après avoir pris quelques provisions à Safety Camp, nous nous approchons du bord de la Barrière avec précaution. A ma grande joie, j'aperçois alors Bowers et son compagnon sur un glaçon; bientôt après, à l'aide de la corde alpine, nous réussissons à les hisser sur le glacier.
Nous dressons ensuite la tente à une bonne distance du bord, puis commençons le sauvetage des poneys. Au pied de la Barrière la glace demeure maintenant immobile. Les hommes ont été sauvés à 5 h. 30 du soir; à 4 h. 30 le lendemain matin nous achevions de remonter les traîneaux restés sur la banquise.
Tandis que nous hissons les dernières charges, la glace recommence à dériver; dans ces conditions, il est inutile d'essayer pour le moment de ramener les poneys, nous les laissons alors sur leur glaçon avec leurs musettes bien remplies. Ayant travaillé toute la nuit nous tombons littéralement de fatigue. Nous nous octroyons alors quelques heures de repos bien gagné. A 8 heures et demie nous sommes de nouveau debout. Pendant notre sommeil, le glaçon sur lequel se trouvent nos chevaux a dérivé au large. Les amarres au moyen desquelles nous avions essayé de le retenir près du glacier avaient cédé! Nous décidons alors de suivre le bord de la Barrière. Mais sur ces entrefaites Bowers aperçoit les poneys à environ 1 600 mètres au Nord-Ouest. Aussitôt nous partons, décidés à tout tenter pour les sauver. C'est alors que fut commise une erreur dont les conséquences furent fatales. En suivant le bord de la Barrière, j'avais découvert un emplacement qui me paraissait commode pour débarquer les chevaux; sans attendre, mes compagnons essaient de faire passer une crevasse à Punch, La pauvre bête tombe à l'eau et peu après nous devons l'abattre. J'indique alors à mes compagnons la route que j'ai reconnue. Bowers et Oates rejoignent vite les deux poneys survivants, puis s'acheminent avec eux vers la Barrière en suivant mon itinéraire, tandis que Cherry et moi abattons le rebord de la falaise terminale du glacier pour leur ménager un passage sur le bord de la Barrière. Nous avons ainsi la satisfaction de sauver un cheval; un moment je crois pouvoir ramener également le second, mais en sautant il glisse et enfonce dans l'eau; nous parvenons à le tirer sur un morceau de glace, tandis qu'une troupe d'orques attirée par l'appât d'une proie s'ébat bruyamment autour de nous, mais le pauvre animal ne peut se relever et force nous est de l'abattre.
A 5 heures du soir, nous plions tristement la tente et revenons à notre précédent campement. Même là, la glace ne me parait pas très solide; aussi je m'avance à près de 3 kilomètres pour m'assurer qu'il n'y a point de crevasses : n'en trouvant, aucune, je rentre vers minuit.
 © Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p27

I. — L'EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (fin) 4/12

Antarctique

Maintenant, nous allons nous acheminer vers la pointe de la Hutte. La perte de nos poneys a bouleversé nos plans, mais, Dieu merci, nous sommes tous sains et saufs.

Samedi, 4 mars. — Hier, au début, traînage terriblement pénible ; quatre heures ont été nécessaires pour couvrir 5 kilomètres. Bowers se rend à Safety Camp.
Après déjeuner, nous poursuivons jusqu'à l'endroit où la tente avait été dressée lors de ma première rencontre avec Wilson et où j'avais laissé des skis et du matériel. Tout a été enlevé et, aux environs, la glace garde des traces de passage de traineaux se dirigeant vers la terre, et plus loin des empreintes de sabots de poneys. Nous les suivons vers la côte et arrivons sur la plus haute des crêtes de Pram-Point, où nous décidons de camper. Entre temps, arrivent Evans et son escouade.

Dimanche, 5 mars. — Nous rejoignons le camp du lieutenant Evans sous Castle Rock, aidés par son escouade venue à notre rencontre. Laissant avec Evans Oates et Keohane, je pars pour la « hutte » avec les six autres. La baraque est en relativement bon ordre; j'y passe la nuit.

Lundi, 6 mars. — Wilson, Bowers, Garrard et moi partons pour Castle Rock. Nous rencontrons Evans tout près de son camp. Les charges ont déjà été montées au haut de la colline et Oates et Keohane sont revenus en arrière chercher les poneys. Au sommet de la crête, les poneys sont attelés et les hommes saisissent les bretelles de halage, puis le détachement se dirige rapidement vers la cabane.
Arrivés sur la « pente des Skis », les poneys sont dételés et descendent sous la conduite de Wilson. Marcher sur la banquette de glace côtière formée de glace bleue et tombant à pic sur la mer constitue une opération singulièrement délicate. Pour s'aventurer sur un pareil terrain, il faut avoir le pied sûr. Tout le monde parvient cependant sans incident à la cabane. Les poneys sont admirablement logés sous la véranda.
Ce soir, quelle satisfaction de nous trouver tous en lieu sûr!

Mardi, 7 mars. — Hier, avec Wilson, je suis allé à Pram Point. Dans la baie derrière cette saillie de la côte, la glace est toujours en place. Les phoques s'y ébattent en grand nombre; nous en tuons un et en rapportons presque toute la viande ainsi qu'un peu de graisse. Pendant cette promenade, nos camarades ont amélioré notre gîte. L'après-midi, nous nous mettons tous au travail; dès l'heure du dîner, des merveilles étaient accomplies.

Le cap Royds: vue prise vers le nord

Au moyen de caisses d'emballage et de feutre nous avons établi à l'intérieur de la hutte une galerie en forme d'L, et à l'aide d'un bidon à pétrole vide et de quelques briques on construit un petit fourneau qui a été relié au tuyau de l'ancien poêle. A part qu'il n'y fait pas précisément chaud, la « hutte » constitue un excellent abri. Les phoques de Pram Point nous fourniront toute la viande fraiche dont nous aurons besoin. De plus, nous avons trouvé ici une énorme quantité de biscuit, des monceaux de boites de cacao, de café et de thé, du sucre, du sel, du chocolat, des raisins secs, des lentilles, de la farine d'avoine, des sardines, des confitures, etc., etc. Il nous sera donc loisible de varier nos menus et de jouir d'un bien-être relatif. Cette cabane sera pour nous comme un hume provisoire.

Jeudi, 9 mars. — Hier et aujourd'hui, encore travaillé à l'aménagement de la cabane.
 © Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p28
 

Sélection photos

Vaïda, un de nos chiens
Vaïda, un de nos chiens
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:32 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p35
Un iceberg en voie de démolition au milieu de la b...
Un iceberg en voie de démolition au milieu de la b...
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:11 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p23
La banquise: vue prise dans le détroit de Mac Murd...
La banquise: vue prise dans le détroit de Mac Murd...
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:26 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p27
La préparation des traîneaux pour l'expédition aux...
La préparation des traîneaux pour l'expédition aux...
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:33 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p36
La
La "Terra-Nova" pendant la tempête: la manoeuvre des...
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:08 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p15

Sélection vidéos


Agrandir la vidéo
Deux minutes dans le quotidien d'un machiniste sur la banquise

Depuis plusieurs années, Danic part travailler en tant que machiniste en Antarctique. Il participe ainsi au programme de recherche des Etats-Unis [Suite...]

Ajoutée le 24/04/2016 à 08:00 © NouvelObs Montage

Agrandir la vidéo
Stéphanie Gicquel a traversé l'Antarctique à pieds

Stéphanie Gicquel a traversé le continent Antarctique à pieds. Elle raconte son aventure dans un livre "Le défi across Antarctica".

Ajoutée le 03/06/2016 à 08:00 © Huffington Post

Voir aussi


Espace annonceurs


© 2023 www.club-des-voyages.com
Tous droits réservés.