Destination Terre > Antarctique
LE PÔLE MEURTRIER - Journal de route du capitaine Scott (1911-1912) |
I. — EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (3/12)
Antarctique
Trois jours nous sont nécessaires pour arriver sur un terrain sûr. Pourvu que la banquise ne se brise pas avant que nous ayons pu atteindre la Barrière!
Vendredi, 27 janvier. — Nous bivouaquons à 1600 mètres environ au sud du cap Armitage. Une fois les tentes dressées, je me suis avancé vers l'Est jusque par le travers de Pram Point. Au delà du cap, la glace est terriblement mince. Un grand détour est donc nécessaire pour éviter ce passage dangereux.
Le reste du détachement s'est rendu à la hutte de la Discovery (1) pour essayer de dégager les piles de boites de conserves enfouies dans la neige. Cette première tentative demeure infructueuse; la masse glacée est très dure et des semaines de travail seront nécessaires pour arriver à un résultat. En tout cas. il y a li de nombreuses caisses de biscuits, de beurre et de cacao, etc.; nous sommes donc assurés de ne pas manquer de v4-vres si, au retour de notre expédition, nous sommes bloqués par la mer libre.
Ce soir, les chiens sont très fatigués. Ces animaux ne peuvent tirer de lourdes charges; ils sont épuisés pour avoir trahie 225 kilos à une allure de tortue, et l'attelage ne comptait pas moins de onze bêtes. Meares a fixé leur ration quotidienne à 300 grammes de biscuit. Évidemment c'est trop peu. Les poneys font d'excellente besogne; ils tirent allègrement de 360 à 405 kilos, et aujourd'hui ils auraient pu fournir une étape un peu plus longue, assure Oates.
Samedi, 28 janvier. — Les poneys sont allés chercher les dernières charges à notre premier campement. Pendant ce temps, je pars reconnaitre le terrain au Sud; dans nous devons contourner une grande d'aine de monticules engendrés par la pression de la glace. Ces monticules ont été créés tout récemment. Les entassements de glaçons brisés par la pression finissent à l'est du point où j'arrive: au delà, la dislocation se traduit simplement par une énorme vague en forme de dôme. Le creux de cette ondulation est occupé par une nappe d'eau dans laquelle grouille une troupe très nombreuse de phoques. Les uns dorment, tandis que d'autres s'ébattent dans le bassin.
Dans l'après-midi, la cavalerie parcourt d'abord 4 kilom. 4 dans le Sud pour traverser cette dislocation, puis 2 kilomètres dans l'Est jusqu'au front de la Barrière, et ensuite fait l'ascension de cet immense glacier.
Notes
(1). Hutte construite par la mission de la Discovery (1902), que dirigea Scott, et qui atteignit le 80° de latitude Sud.
Vendredi, 27 janvier. — Nous bivouaquons à 1600 mètres environ au sud du cap Armitage. Une fois les tentes dressées, je me suis avancé vers l'Est jusque par le travers de Pram Point. Au delà du cap, la glace est terriblement mince. Un grand détour est donc nécessaire pour éviter ce passage dangereux.
Le reste du détachement s'est rendu à la hutte de la Discovery (1) pour essayer de dégager les piles de boites de conserves enfouies dans la neige. Cette première tentative demeure infructueuse; la masse glacée est très dure et des semaines de travail seront nécessaires pour arriver à un résultat. En tout cas. il y a li de nombreuses caisses de biscuits, de beurre et de cacao, etc.; nous sommes donc assurés de ne pas manquer de v4-vres si, au retour de notre expédition, nous sommes bloqués par la mer libre.
Ce soir, les chiens sont très fatigués. Ces animaux ne peuvent tirer de lourdes charges; ils sont épuisés pour avoir trahie 225 kilos à une allure de tortue, et l'attelage ne comptait pas moins de onze bêtes. Meares a fixé leur ration quotidienne à 300 grammes de biscuit. Évidemment c'est trop peu. Les poneys font d'excellente besogne; ils tirent allègrement de 360 à 405 kilos, et aujourd'hui ils auraient pu fournir une étape un peu plus longue, assure Oates.
Samedi, 28 janvier. — Les poneys sont allés chercher les dernières charges à notre premier campement. Pendant ce temps, je pars reconnaitre le terrain au Sud; dans nous devons contourner une grande d'aine de monticules engendrés par la pression de la glace. Ces monticules ont été créés tout récemment. Les entassements de glaçons brisés par la pression finissent à l'est du point où j'arrive: au delà, la dislocation se traduit simplement par une énorme vague en forme de dôme. Le creux de cette ondulation est occupé par une nappe d'eau dans laquelle grouille une troupe très nombreuse de phoques. Les uns dorment, tandis que d'autres s'ébattent dans le bassin.
Dans l'après-midi, la cavalerie parcourt d'abord 4 kilom. 4 dans le Sud pour traverser cette dislocation, puis 2 kilomètres dans l'Est jusqu'au front de la Barrière, et ensuite fait l'ascension de cet immense glacier.
Notes
(1). Hutte construite par la mission de la Discovery (1902), que dirigea Scott, et qui atteignit le 80° de latitude Sud.
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p15
I. — EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (4/12)
Antarctique
Après une trotte d'environ 800 mètres, les bêtes sont déchargées : juste à ce moment elles commençaient à enfoncer profondément. Lorsque nous atteignons le glacier, à 400 mètres au Nord, quelque chose de noir apparaît à sa surface : ce sont les sommets de deux tentes presque entièrement enfouies; elles proviennent de l'expédition Shackleton, supposons-nous. Tout le détachement est plein d'ardeur; il eût été certes difficile de réunir un groupe d'hommes plus capables de mener à bien notre entreprise.
Dimanche, 29 janvier. — Après le déjeuner, j'ai lu l'office divin. Excellente journée. Les sept meilleurs poneys ont effectué doux voyages à la Barrière. en couvrant ainsi 23 kilom. 3, dont la moitié avec de lourdes charges. Aucun ne parait fatigué de cette longue étape.
Les chiens font merveille; de jour en jour ils paraissent plus en forme. Ils ont transporté un premier chargement à 3 kilom. 8 au delà du point de la Barrière où sont actuellement rassemblés les approvisionnements. A cette distance sera établi le Safety Camp (camp de la Sécurité), le principal dépôt destiné à servir de base d'opérations à l'expédition.
L'après-midi, les chiens exécutent un second voyage et apportent à Safety Camp un nouveau chargement. Ils ont ainsi couvert 44 kilom. 4 dans la journée : un joli résultat. Evans et moi avons transporté à pied une charge par delà la ligne de pression. Il ne reste plus à amener sur la Barrière que le matériel de campement. Une fois que nous aurons installé le Safety Camp, nous pourrons y demeurer aussi longtemps que nous le voudrons avant le départ pour le Sud, mais, une fois en route, nous devrons marcher vite. Le thermomètre varie de -12°,7 la nuit à — 4°,4 le jour; température très propice pour le traînage.
Lundi, 30 janvier. — Safety Camp. 77°55' de latitude. Après l'étape du matin, nous déjeunons et tenons un véritable conseil, dans lequel j'expose mon plan de campagne. Je propose de partir avec cinq semaines de vivres et, au bout de douze ou treize étapes, d'établir un dépôt contenant des approvisionnements pour une quinzaine; après quoi on battra en retraite. Pour cette expédition, les charges des poneys seront de 280 kilos et celles des attelages de chiens de 325 kilos, non compris le poids des traîneaux. Si la surface du glacier est bonne, ce qui est douteux, les poneys devront accomplir aisément ce trajet ; par contre peut-être faudra-t-il alléger les chiens; en tout cas, nous ne pouvons faire mieux.
Cet après-midi, monté sur mes skis, je suis parti en reconnaissance. Jusqu'à une distance de 3 200 à 4 800 mètres le terrain est toujours aussi mauvais. Bowers, Garrard et trois hommes sont allés dégager les tentes de Shackleton. Ils y trouvent un réchaud, des provisions et les vestiges d'un repas hâtivement abandonné. Une tente était pleine de glace produite par le gel des eaux de fusion. Si les tentes de l'expédition Shackleton ont tenu aussi longtemps, nous n'avons pas à craindre quo notre matériel soit exposé en ne demeurant ici qu'un hiver. Demain, nous passerons la revue des provisions, construirons le dépôt et chargerons les traineaux.
Mardi. 31 janvier. — Tout est paré pour le départ. Cet après-midi un poney essaie l'unique paire de raquettes que nous possédions pour les chevaux. L'expérience réussit admirablement. munie de ces engins, la bête avançait aussi facilement que si elle se fût trouvée sur un terrain ferme, alors que, sans raquettes, elle enfonçait profondément. Oates n'avait auparavant aucune confiance dans ces disques et, pour ma part, je croyais qu'avant de pouvoir s'en servir il eût fallu soumettre à un long apprentissage les animaux même les plus paisibles. Une demi-heure après, Meares et Wilson partaient chercher un lot de ces raquettes à la station du cap Evans, distant de plus de 32 kilomètres. Peut-être la banquise n'est-elle pas encore complètement disloquée et leur sera-t-il possible de revenir, sans trop de difficultés, à nos quartiers d'hiver?
Mercredi, 1er février. — Une journée d'inaction relative et de désappointement. Meares et Wilson sont rentrés â midi. Au delà des îles Razor Back, la mer était libre;
Dimanche, 29 janvier. — Après le déjeuner, j'ai lu l'office divin. Excellente journée. Les sept meilleurs poneys ont effectué doux voyages à la Barrière. en couvrant ainsi 23 kilom. 3, dont la moitié avec de lourdes charges. Aucun ne parait fatigué de cette longue étape.
Les chiens font merveille; de jour en jour ils paraissent plus en forme. Ils ont transporté un premier chargement à 3 kilom. 8 au delà du point de la Barrière où sont actuellement rassemblés les approvisionnements. A cette distance sera établi le Safety Camp (camp de la Sécurité), le principal dépôt destiné à servir de base d'opérations à l'expédition.
L'après-midi, les chiens exécutent un second voyage et apportent à Safety Camp un nouveau chargement. Ils ont ainsi couvert 44 kilom. 4 dans la journée : un joli résultat. Evans et moi avons transporté à pied une charge par delà la ligne de pression. Il ne reste plus à amener sur la Barrière que le matériel de campement. Une fois que nous aurons installé le Safety Camp, nous pourrons y demeurer aussi longtemps que nous le voudrons avant le départ pour le Sud, mais, une fois en route, nous devrons marcher vite. Le thermomètre varie de -12°,7 la nuit à — 4°,4 le jour; température très propice pour le traînage.
Lundi, 30 janvier. — Safety Camp. 77°55' de latitude. Après l'étape du matin, nous déjeunons et tenons un véritable conseil, dans lequel j'expose mon plan de campagne. Je propose de partir avec cinq semaines de vivres et, au bout de douze ou treize étapes, d'établir un dépôt contenant des approvisionnements pour une quinzaine; après quoi on battra en retraite. Pour cette expédition, les charges des poneys seront de 280 kilos et celles des attelages de chiens de 325 kilos, non compris le poids des traîneaux. Si la surface du glacier est bonne, ce qui est douteux, les poneys devront accomplir aisément ce trajet ; par contre peut-être faudra-t-il alléger les chiens; en tout cas, nous ne pouvons faire mieux.
Cet après-midi, monté sur mes skis, je suis parti en reconnaissance. Jusqu'à une distance de 3 200 à 4 800 mètres le terrain est toujours aussi mauvais. Bowers, Garrard et trois hommes sont allés dégager les tentes de Shackleton. Ils y trouvent un réchaud, des provisions et les vestiges d'un repas hâtivement abandonné. Une tente était pleine de glace produite par le gel des eaux de fusion. Si les tentes de l'expédition Shackleton ont tenu aussi longtemps, nous n'avons pas à craindre quo notre matériel soit exposé en ne demeurant ici qu'un hiver. Demain, nous passerons la revue des provisions, construirons le dépôt et chargerons les traineaux.
Mardi. 31 janvier. — Tout est paré pour le départ. Cet après-midi un poney essaie l'unique paire de raquettes que nous possédions pour les chevaux. L'expérience réussit admirablement. munie de ces engins, la bête avançait aussi facilement que si elle se fût trouvée sur un terrain ferme, alors que, sans raquettes, elle enfonçait profondément. Oates n'avait auparavant aucune confiance dans ces disques et, pour ma part, je croyais qu'avant de pouvoir s'en servir il eût fallu soumettre à un long apprentissage les animaux même les plus paisibles. Une demi-heure après, Meares et Wilson partaient chercher un lot de ces raquettes à la station du cap Evans, distant de plus de 32 kilomètres. Peut-être la banquise n'est-elle pas encore complètement disloquée et leur sera-t-il possible de revenir, sans trop de difficultés, à nos quartiers d'hiver?
Mercredi, 1er février. — Une journée d'inaction relative et de désappointement. Meares et Wilson sont rentrés â midi. Au delà des îles Razor Back, la mer était libre;
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p16
Sélection photos
Vaïda, un de nos chiens
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:32
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p35
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p35
Un iceberg en voie de démolition au milieu de la b...
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:11
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p23
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p23
La banquise: vue prise dans le détroit de Mac Murd...
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:26
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p27
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p27
La préparation des traîneaux pour l'expédition aux...
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:33
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p36
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p36
La "Terra-Nova" pendant la tempête: la manoeuvre des...
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:08
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p15
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p15
Le dôme de la station de recherche internationale du...
Ajoutée le 20/09/2016 à 08:09
© La Rédaction
© La Rédaction
Sélection vidéos
Agrandir la vidéo
Deux minutes dans le quotidien d'un machiniste sur la banquise
Depuis plusieurs années, Danic part travailler en tant que machiniste en Antarctique. Il participe ainsi au programme de recherche des Etats-Unis [Suite...]
Ajoutée le 24/04/2016 à 08:00 © NouvelObs Montage
Agrandir la vidéo
Stéphanie Gicquel a traversé l'Antarctique à pieds
Stéphanie Gicquel a traversé le continent Antarctique à pieds. Elle raconte son aventure dans un livre "Le défi across Antarctica".
Ajoutée le 03/06/2016 à 08:00 © Huffington Post